TG7 « MARCHANDISATION », 1 ère ES3, 7 avril 2005.

 

 

Document 1  :

Source : Science, The Economist , 1/7/2000.

 

Document 2 : Biotechnologies : la ruée vers le génome

[…] La brevetabilité des gènes en question

Au printemps dernier, c'est la brevetabilité des gènes, ces supports de l'information héréditaire des êtres vivants, qui avait soulevé la polémique. Grâce à ces brevets, les firmes s'assurent en principe les droits sur toute application dérivée à partir du gène qu'elles ont découvert. La pratique existe dans tous les pays industrialisés depuis les années 80. Elle aurait dû être légalisée en France au mois de juillet dernier par la transposition d'une directive européenne de 1998. Mais celle-ci s'est heurtée à l'avis négatif du Comité national consultatif d'éthique et du Conseil d'Etat. Une pétition contre la directive de Bruxelles a recueilli plus de 3 000 signatures, dont celles de personnalités aussi diverses que l'Ordre national des médecins, Greenpeace, plusieurs généticiens comme Albert Jacquard, la Confédération paysanne de José Bové, mais aussi Corinne Lepage et Danielle Mitterrand.

" Le génome humain ne doit pas pouvoir faire l'objet d'une appropriation " , avait affirmé Jacques Chirac dès février dernier, et l'accord avec Lionel Jospin est total sur ce point. Le président américain Bill Clinton et le Premier ministre britannique Tony Blair ont aussi pris solennellement position, le 14 avril dernier, pour la mise à disposition dans le domaine public des résultats du décryptage du génome humain.[…]

Alternatives Economique, Daniel Aronssohn n°184, 09/2000.

 

Document 3 : Un marché des organes humains ?

La société n'accepte pas la vente d'organes. A la différence de ce qui se passe pour le sang, le commerce d'organes est généralement interdit, même s'il se pratique dans les faits, même s'il existe un marché noir. On trouve en Inde un marché ouvert de reins, et même d'yeux de donneurs vivants. Les personnes fortunées viennent du monde entier pour acheter. On sait qu'il existe en Amérique Latine des filières organisées qui procèdent à des enlèvements pour alimenter en organes les riches marchés occidentaux. Qui renoncerait à tout faire pour permettre à un proche, à un parent, de garder la vie sauve? Or il y a pénurie d'organes. Comment obtenir et comment répartir ces organes dont la greffe coûte si cher?

Les pays anglo-saxons sont tentés par la légalisation de la vente. Et une telle légalisation paraît hautement souhaitable à nombre représentants des pays du tiers-monde, qui ne voient pas au nom de quoi on interdirait aux pauvres de remédier à leur misère matérielle et d'assurer l'avenir de leurs enfants en vendant un rein ou un œil. Un rein vendu 45 000 dollars aux Etats-Unis est acheté par le truchement de petites annonces 2 000 dollars à des vendeurs argentins.

Pourquoi pas, estiment les auteurs d'inspiration libérale, si les contrats sont légaux et si vendeurs et acheteurs sont clairement informés des implications de la transaction? (...)

Si le maître-mot des juristes anglo-saxons est le contrat, celui des juristes et des autorités de la bioéthique françaises serait le don. Jacques Godbout, L'Esprit du don, La Découverte, 1992.

 

Document 4 : « Le brevetage du vivant   » , Source : www.ouvaton.org

[…] « Jeremy Rifkins [économiste américain] note dans un entretien paru dans le Nouvel Observateur n°1757 que : « La course à l'identification et au contrôle commercial des gènes qui constituent le « schéma directeur » de l'espèce humaine est lancé. Et les opinions publiques risquent d'être sous le choc lorsqu'elles constateront, dans six ou sept ans, que ces molécules, ces gènes permettent de traiter les cancers, de prolonger la vie humaine ou de produire un nouveau type de plante ou de nourriture, sont la propriété de quelques grandes compagnies privées et sous leur contrôle commercial.... Cette volonté de breveter la vie, qui menace les réserves génétiques de la planète, est en effet inquiétante....

En autorisant le brevetage de micro-organismes génétiquement modifiés, c'est à dire d'une première forme de vie, la Cour Suprême a jeté à son tour en 1980 les fondations juridiques de la privatisation et de la transformation en marchandise des « communaux génétiques ». Propulsées dans la sphère économique, les biotechnologies sont devenues brutalement un des boosters de la société post-industrielle.... Autant je conçois que l'on autorise le brevetage des procédés, dans une logique de rémunération des dépenses de recherche et d'exploitation, autant la reconnaissance de brevets sur le vivant (comme le Congrès pourrait l'accepter en assimilant la « découverte » de nouvelles cellules à des inventions protégées par le droit sur la propriété intellectuelle ) représente un risque majeur.

La quête de gènes commercialisables et des droits génétiques dérivés, les bio-prospections animales et végétales, avec à la clé le brevetage du vivant (tissus, cellules, chromosomes, bactéries), la course aux brevets sur le génome humain réduit à un produit négociable sur le marché sont porteurs de conflits « néo-coloniaux » entre entreprises et individus ou groupes sociaux, sur la base de cellules détournées à des fins commerciales ou soustraites à une liberté de circulation génératrice de progrès. L'enjeu éthique se double d'un enjeu économique. » […] http://ase.ouvaton.org/ogmbrevetageviv.htm

 

Document 5 : Le marché des droits à polluer

C'est une première aux Etats-Unis : La TVA, une des principales compagnies américaines d'électricité, a racheté à WPL, une firme concurrente, des "droits de polluer". La transaction va permettre à la TVA de rejeter dans l'atmosphère 10 000 tonnes de Dioxine de sulfure (responsable des pluies acides). En contre partie, WPL devra réduire le niveau de ses émissions de 10 000 tonnes en dessous du niveau légal, ce qu'elle fera sans peine, la compagnie s'étant dotée d'équipements antipollution de pointe.

Cette curieuse pratique est une conséquence du Clean Air Act, la loi de protection de l'environnement adoptée aux Etats-Unis en 1990 (elle autorise les entreprises polluant moins que le maximum légal à céder leurs "crédits" antipollution à des firmes moins bien placées).

Le prix de la transaction, jugé relativement bas, est ici peu incitatif pour investir dans les équipements anti-pollution. D'où les critiques : "la pureté de l'air ne peut être vendue comme une voiture d'occasion"

Le Monde, 14 Mai 1992

 

Document 6 : Economie domestique et logique marchande

En trente ans, les familles ont […] vu changer considérablement non seulement leur univers domestique et les conditions d'accomplissement du travail ménager, mais aussi celles du travail lié au soin et à la socialisation de leurs membres. […] Les tâches ménagères ont été transformées par la mise au point et l'utilisation de plus en plus fréquentes de produits et de matières « modernes » et par l'externalisation partielle, vers les services marchands ou collectifs de certaines tâches, comme la confection des vêtements, la préparation et le service des repas. […] Ce n'est pas seulement le travail ménager qui s'est trouvé de plus en plus « externalisé », mais aussi bien le travail de soin aux personnes dépendantes en raison de leur âge ou de leur état de santé, auparavant effectué gratuitement par les femmes dans le cadre domestique. Plus généralement, l'ensemble du travail d'entretien et de socialisation de la population est devenu « une affaire publique », à travers le marché ou l'Etat, par le développement des prestations, des services et des équipements liés à l'éducation, à la santé et à la vieillesse.

N. Lefaucheur, « De la stabilité à la mobilité conjugale », Politis n°8, 11-12/1994.

 

Document 7 : L'intrusion de l'entreprise dans l'école

Depuis quelques années, les marques éditent et proposent aux enseignants des supports pédagogiques destinés à les aider à animer des ateliers en classe (…) Les annonceurs ont en effet décidé de s'associer à l'éducation des 12 500 000 enfants scolarisés en France, perçus comme autant de futurs consommateurs et qui, en attendant, détiennent un pouvoir de prescription (…) Et puis, chacun sait que la plupart des habitudes de consommation s'acquièrent dès l'enfance. Les entreprises cherchent donc, comme aux Etats-Unis, à construire leur image dès le plus jeune âge (…) Pour communiquer avec des cibles aussi convoitées, les entreprises se tournent vers l'école, la classe et son instituteur. Colgate apprend aux enfants à se brosser les dents, Nett les informe sur le corps humain, Kellog's et Heudebert les initient à l'équilibre alimentaire, Danone à « l'alimentation plaisir », Liebig aux bienfaits des légumes, Michelin à la sécurité dans la rue, Coca-Cola à la « découverte de l'entreprise », Leclerc ou la Caisse d'Epargne aux mystères de l'euro. Le tout à grand renfort d'outils luxueux, de cassettes vidéo, de fiches, tests, livrets et autres jeux, accompagnés d'un guide pour l'enseignant, voire d'un cédérom (…) La démarche « désintéressée » des entreprises leur coûte assez cher : elles peuvent dépenser jusqu'à 3 millions de francs pour fabriquer un coffret ou un kit. Est-il interdit d'imaginer qu'elles espèrent un retour sur investissement ?

L. Brokman, Le Monde Diplomatique , octobre 1999

 

Document 8 : La marchandisation du « temps »

Je ne crois pas qu'on crée de nouveaux besoins mais on en marchandise de plus en plus. Les loisirs sont le meilleur exemple: c'est un besoin ancestral qu'on commercialise et dont on démultiplie la satisfaction. Pour le producteur, cela se passe par l'innovation, avec Gilbert Trigano inventant le Club Med par exemple. Le consommateur, lui, veut à la fois profiter de toutes les satisfactions offertes par le marché et protéger une sorte d'espace privé dans lequel le marché ne rentre pas. Il faut alors déplacer la frontière entre les deux au détriment de la sphère privée. Cela se fait surtout par le renouvellement des générations. Les jeunes acceptent plus facilement qu'un certain nombre de besoins soient "marchandisés". Ainsi pour nos grands-mères, payer quelqu'un pour garder ses enfants était inenvisageable. Elles estimaient que ce problème relevait du domaine privé. Aujourd'hui, tout le monde demande des structures d'accueil. Ce choc culturel se reproduit de générations en générations.

Robert Rochefort, Le Monde, 6 Juillet 1994.

 

Document 9 : Le monde devient-il une marchandise ?

Malgré les apparences, la part de l'économie qui échappe aux lois du marché grandit dans tous les pays développés, Etats-Unis compris.

[…] Dans les faits, on assiste sans doute davantage à une monétarisation du monde qu'à une marchandisation. L'économie monétaire prend en effet de plus en plus de place dans la vie des sociétés, au Nord comme au Sud. Mais au sein de cette économie monétaire, la part des activités qui échappent à une logique purement marchande tend en permanence à s'accroître, quoi qu'en pensent et en disent les libéraux. Une évolution normale, car les mécanismes marchands sont trop frustes pour permettre à eux seuls un fonctionnement un tant soit peu harmonieux d'une économie monétaire de plus en plus complexe.

[…] Le non-marchand plus que le marchand

Ce développement de l'économie monétaire se traduit naturellement par le renforcement des rapports marchands : on commande des pizzas au lieu de faire la cuisine. Mais il prend également très souvent des formes non marchandes avec les services publics, les associations à but non lucratif, les régimes de protection sociale... C'est le cas, par exemple, de la prise en charge collective croissante des personnes âgées dépendantes, que vient d'illustrer, en France, la mise en oeuvre au 1er janvier 2002 de l'allocation personnalisée d'autonomie. Malgré la prégnance du discours libéral, la tendance de fond reste à l'accroissement de ces activités non marchandes dans l'économie monétaire. En tout cas dans les pays développés.

Entre 1975 et 1999, la part des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) dans le PIB des pays de l'OCDE - le club des pays les plus riches de la planète - est passée de 31,1 % à 37,3 %. Et même si la hausse y a été moindre, ni les Etats-Unis (où les prélèvements sont passés de 26,9 % à 28,9 % du PIB) ni le Royaume-Uni (de 35,4 % à 37,7 % du PIB entre 1975 et 2000) ne font exception. De plus, aux Etats-Unis en particulier, une pression sociale très forte, combinée à des avantages fiscaux conséquents, a permis le développement d'un secteur d'activités privées, mais non lucratives, qui couvre nombre de champs qui, dans d'autres pays, sont pris en charge par le biais d'impôts ou de cotisations sociales.

La situation est différente dans les pays du Sud. Les ressources dégagées pour financer les systèmes de protection sociale et les services publics y stagnent à des niveaux très faibles : 15,4 % du PIB dans les pays à bas revenus en 1999 et 19,4 % dans les pays à revenus moyens, selon la Banque mondiale. Cette faiblesse du non-marchand au Sud résulte bien sûr de l'action du FMI et de la Banque mondiale en faveur des privatisations, même si la Banque mondiale commence aujourd'hui à faire marche arrière. […]

Alternatives économiques, n° 052, avril 2002, page 72, Guillaume DUVAL

 

Document 10 : La montée de l'économie non marchande dans le monde

Source : OCDE

 

Document 11 : Pourquoi le non-marchand se développe

La montée en puissance du non-marchand dans les principales économies développées est en partie le résultat des luttes sociales menées depuis deux siècles pour civiliser le capitalisme. Mais pas uniquement. L'affaiblissement du syndicalisme dans tous les pays développés depuis vingt ans n'a d'ailleurs pas suffi à entraîner un recul durable. Les mécanismes purement marchands restent en effet incapables de financer des infrastructures (matérielles ou immatérielles) lourdes dans des conditions de risques acceptables pour les investisseurs. Après bien d'autres expériences du même type, l'échec financier du tunnel sous la Manche l'a rappelé.

La logique marchande ne permet pas non plus d'assurer des fonctions de base, par exemple un minimum de santé ou de sécurité pour tous ; seuls les plus riches constituent des marchés potentiels suffisamment intéressants pour des acteurs privés. Or, quand ces besoins ne sont pas assurés, même les riches risquent d'attraper des maladies contagieuses ou de faire de mauvaises rencontres dans la rue...

En outre, la concurrence s'avère souvent une alternative coûteuse et peu viable au monopole, comme le rappellent, par exemple, les déboires répétés d'Air lib dans le transport aérien français. Les capitalistes défendent bec et ongles le profit privé, mais ils préfèrent toujours que les pertes soient, elles, socialisées. Et cela d'autant plus que le développement de mécanismes non marchands n'implique pas nécessairement une redistribution des riches vers les pauvres. Ce ne sont pas les smicards qui vont à l'opéra.

Alternatives économiques, n° 052, avril 2002, page 72, Guillaume DUVAL

 

 

TRAVAIL A FAIRE

Après avoir lu et annoté tous les documents, procédez au travail qui suit.

 

2 points Formulez un sujet .

4 points Enoncez une problématique  (je veux démontrer que…).

2 points Introduction  : définissez marchandisation et distinguez-là de la monétarisation.

Plan imposé :

1) La marchandisation de l'économie se poursuit…

2) … ce qui induit un développement encore plus rapide du non-marchand.

8 points Pour chaque partie, rédigez , en une vingtaine de lignes, le résumé du contenu de la partie en faisant référence aux documents entre parenthèses.

4 points Conclusion / ouverture : Tout est-il marchandisable c'est-à-dire tout peut-il et doit-il l'être ?

 

 

auteur : marjorie.galy@wanadoo.fr