Eléments de synthèse du débat « Faut-il parler de la fin ou du retour des classes sociales ? » et de conclusion du chapitre 3.

 

 

•  Depuis l'après deuxième guerre mondiale il y a une indéniable réduction des inégalités de niveau de vie, de niveau de consommation, d'accès à l'école, à la santé, aux loisirs et médias, à la culture…

•  Mais depuis les années 1980, on assiste à un arrêt puis/ou à une reprise des inégalités précédemment nommées.

•  On assisterait donc à un retour objectif des classes sociales.

•  Pourtant le sentiment d'appartenance à une classe sociale n'a jamais été aussi faible comparé à la reprise des inégalités.

•  La question est de savoir si cette conscience de classe va se reformer, comment (voir prochain chapitre « socialisation ») et quand. Ceci passe par une connaissance par les « dominés » du retour des inégalités et du sentiment de partager les mêmes intérêts, par l'idée de pouvoir agir sur les inégalités par l'action collective, bref par une prise de conscience Politique.

•  On pourrait aussi penser que nous avons changé d'époque ( le marxisme serait mort ) et que jamais la société salarisée (90% des actifs), de masse, uniformisée par les médias…, ne se pensera plus en termes de classes sociales bien que les inégalités reviennent (patrimoine, précarisation, discriminations raciales, inégalités face au chômage, maintien d'inégalités scolaires malgré la massification…).

•  On perçoit alors tout le sens du titre de la première partie «  La représentation de la structure sociale… objet de luttes  ». Celui qui parvient à imposer son découpage et ses mots pour décrire la société impose sa vision du futur…et a la capacité d'agir ou non sur cette prise de conscience de classe.

•  D'où la pertinence de l'analyse de Bourdieu sur les luttes symboliques entretenues par les dominants pour légitimer leur domination et empêcher les dominés de percevoir cette domination et ainsi empêcher la prise de conscience de la position commune de dominés (une domination dure lorsque les dominés eux-mêmes n'ont pas conscience de leur domination ou au moins l'estiment légitime).

•  A propos des émeutes de banlieues (octobre-novembre 2005), on peut penser que l'issu de cette domination (racisme et discriminations, sur-chômage, précarité, relégation scolaire, relégation spatiale, invisibilité dans les médias…) n'a pu s'exprimer que par la destruction (des voitures, des entreprises, des écoles…) faute de conscience de classe chez «  ses jeunes de banlieues  » qui ne se définissent pas et qui sont souvent mal nommés (voir intro du chapitre)… Alors qu'en 1983, lors de la «  Marche pour l'égalité  » dite «  Marche des beurs  », le débouché a pu être politique car les dominés avaient conscience des mécanismes de leur domination et les plus socialisés politiquement parmi eux (+ le soutien de prêtres ouvriers) ont permis la naissance d'un mouvement social qui a fait progresser les droits de ses enfants d'immigrés…qui sont avant tout des enfants d'ouvriers et de chômeurs.

•  L'affaiblissement du sentiment d'appartenance peut ainsi apparaître non comme le (bon) signe de l'évolution vers une société pacifiée (moins conflictuelle) mais au contraire comme le signe (inquiétant) d'une société «  malade  » où le risque d'émeutes sociales grandirait avec la croissance des inégalités et le sentiment d'injustice et pas seulement dans les banlieues…

•  On retrouve donc l'idée posée en intro du chapitre qu'il y a une interaction entre nominalisme et réalisme : l'un et l'autre s'alimentent plus qu'ils ne s'opposent, dans la réalité comme dans l'analyse sociologique. Nommer un groupe agit sur la façon dont ses membres se perçoivent dans la société, ne pas le nommer ou mal le nommer peut empêcher ou freiner la prise de conscience de son existence. En retour, un groupe qui se nomme bien peut montrer qu'il existe et imposer le nom et la position qu'il se donne comme réelle, si cette étiquette est reprise avec succès par les médias, la société, les sociologues, les hommes politiques etc il se créé des possibilités d'agir collectivement.

Janvier 2006

 

 

marjorie.galy@wanadoo.fr