T.M. n°2 : La culture en mouvement permanent

Mars 2006 PES1 Koeberlé

A RENDRE LE LUNDI 3 AVRIL 2006

 

Les extraits sont tirés des travaux de collègues de Mayotte ici

 

TEXTE 1 : L'acculturation par l'importation de biens

« Pour les Mahorais, l'important c'était de manger et de dormir. Alors, dans les villages, vous voyiez les bonnes femmes, les enfants, sous leurs greniers, en train de dormir toute la journée. Dès qu'ils avaient faim ils se réveillaient. En 1975, au Conseil général, je m'en rappelle encore, on a décidé qu'il fallait faire venir des biens de consommation pour motiver les Mahorais à acheter et donc à travailler, parce que les Mahorais ne voulaient pas travailler. Pour eux, il fallait vivre heureux, aller à la pêche, manger ce qu'ils produisaient, c'est tout, la monnaie n'avait pas de valeur. D'ailleurs Mayotte était riche en produits agricoles et en faune (…). Les Mahorais n'avaient pas besoin de travailler. D'ailleurs dans les plantations, c'étaient surtout les Africains qui travaillaient, c'étaient des Makwa . »

Extrait du récit de vie d'Auguste-Avice Marot, né en 1934, Archives orales, cahiers n°11, Collectivité territoriale de Mayotte, Délégation aux affaires culturelles

 

TEXTE 2 : Le logement occidental

Pour les parents de Robin (8 ans) et Jim (3 ans) , tout enfant a droit à un territoire personnel. C'est pourquoi ils ont dessiné la chambre de ces deux garçons en respectant une symétrie presque parfaite entre les deux parties. Ils ont divisés la pièce en marquant nettement la délimitation par le mobilier puisque chacun possède ses meubles bien séparés. Une ligne imaginaire est située au centre, Jim possède un lit, un mur et la moitié de l'autre mur. Parallèlement, Robin a son propre lit au dessus de celui de Jim, l'autre mur et la moitié restante du dernier. Ce qui compte du point de vue parental, c'est la correspondance entre un espace personnel et leur propre développement personnel.

Source : François De Singly, Anouk Brocard, Libres ensemble, L'individualisme dans la vie commune, Nathan, Paris, 2000.

 

TEXTE 3 : Le logement mahorais

Dans un logement mahorais, il n'y a pas d'espace privé pour les enfants, ni de lieu où l'on peut s'isoler à part le coin toilette ( mraba wa sho ). Pas d'espace privé: on a que la place dans un lit à partager, espace réservé au sommeil uniquement (les enfants ne doivent pas jouer dans la maison et encore moins sur les lits pour ne pas les salir). Les quelques vêtements que l'on possède sont gardés dans une valise empilée avec ses pareilles dans un coin, ou dans une armoire, ou jetés sur un corde tendue dans la pièce. Il n'y a donc pas d'extension de la personne pouvant faire tampon entre elles et les autres ( "ma" chambre, "mon" coin, "mes" affaires), extensions jouant un rôle, dans le processus d'individuation. Les enfants dorment à deux ou plus quand ils sont petits. Être ensemble, physiquement est perçu par les enfants comme un état naturel et habituel qu'ils apprécient beaucoup. En saison fraîche, on se réchauffe. Dans le noir, on se rassure, et s'il le faut les enfants s'amassent tous sur le même lit pour calmer celui qui a peur des djinns ou des fantômes. (…) Cette impossibilité de s'isoler crée une conscience de soi particulière, que j'appellerai "conscience de nous". Les relations qui se nouent entre ceux qui sont ainsi élevés ensemble sont des relations intimes, solides, durables.

Source : Sophie Blanchy - Darel, La Vie quotidienne à Mayotte, L'Harmattan, 1999.

 

 

Des liens...

INSEE

Outre-Mer

RFO

Wikipédia

 


 

TEXTE 4 : Les enfants

Dans l'éducation occidentale, on pousse l'enfant vers une individualisation poussée, vers une autonomie affective et intellectuelle, dans la perspective que "cet enfant partira un jour". Mais nécessairement, on le prend en charge assez complètement sur le plan matériel. Ce qu'on lui donne, biens matériels, argent de poche, il ne peut se le procurer par lui même (temps passé aux études, à l'apprentissage d'un métier). A Mayotte au contraire, on pousse rapidement l'enfant à assurer sa propre prise en charge matérielle : cuisine, soins aux enfants pour les filles; prise en charge de sa lessive personnelle pour les enfants des deux sexes ; les garçons vivant dans les banga s'arrangent souvent pour se procurer de quoi faire une grillade ( vule ) entre amis dans un coin tranquille de brousse. En revanche, on constate parallèlement un manque d'autonomie affective, d'indépendance, puisque toutes les activités sont entreprises en groupe, qu'on éduque l'enfant à agir collectivement, à suivre ses aînés ou à tenir compte de ses égaux, à prendre en charge ses cadets, à ne pas envisager d'action isolée. Ceux qui partent faire leurs études en France, dans le cadre peu chaleureux des campus universitaires, témoignent volontiers du grand isolement ressenti dans ce nouvel environnement, et de la difficulté d'adaptation à un mode de contact interpersonnel différent.

Source : Sophie Blanchy - Darel, La Vie quotidienne à Mayotte, L'Harmattan, 1999.

 

TEXTE 5 : La famille mahoraise

La famille mahoraise est structurée autour de la femme. Elle est matrilinéaire. Il existe aussi des familles patrilinéaires. (…) Ainsi, jusqu'à une date récente, la famille mahoraise fondée sur le lignage, incluait non seulement les parents biologiques et leurs progénitures, mais surtout les grands-parents, les oncles, les tantes, les neveux, les cousins, les petits enfants. Au même titre que la société rurale d'où elle est issue, la famille mahoraise obéissait à la règle de la primauté du groupe sur l'individu, à la hiérarchie rigide qui fait du doyen d'âge le chef de la famille (…) Issue du cadre villageois, elle vivait souvent dans une économie d'autosubsistance, avec une tendance à l'autarcie qui renforçait les liens de solidarité.

Source : Arts et traditions populaires à Mayotte, Coutumes familiales, Collectivité Territoriale de Mayotte, 1998, p.18

 

TEXTE 6 : Les remises en cause

Les changements intervenus ces vingt dernières années, l'explosion démographique, ainsi que la forte monétarisation de l'économie, font imploser le modèle (familial) traditionnel. Désormais la majorité des femmes qui n'ont pas été scolarisées en temps utile, se trouvent écartées de la vie économique. Les jeunes filles qui ont eu la chance de l'être rejettent les rigidités de la famille traditionnelle. Elles ne se contentent plus de l'entretien de l'espace familial et de la cuisine. Elles refusent d'attendre tranquillement à la maison le moment de disposer d'une case construite pour elle par ses parents ou son futur mari. Les enfants qui ne seront plus “les enfants du village” courent le risque d'être en rupture totale. Ils ne sont plus pris en charge par les institutions familiales, ni communautaires. Ceux qui sont exclus du système scolaire contribuent à augmenter une catégorie sociale nouvelle qui s'installe petit à petit autour des nouveaux pôles urbains. La question du rôle du père dans l'éducation de l'entant est posé sans recevoir de réponse satisfaisante. L'instabilité conjugale, accentuée par la facilité du divorce ( ufunguwa ) constitue un élément de déséquilibre excessif au désavantage de la mère et de l'entant. Les personnes âgées, déchirées entre tradition et modernité, courent un risque réel d'être laissées pour compte.

Source : Coutumes familiales, Arts et traditions populaires de Mayotte, Collectivité Territoriale de Mayotte et Délégation Territoriale aux Affaires Culturelles, juillet 1998, p.19.

 

QUESTIONS

1)  Dressez le portrait économique, social et culturel de Mayotte (soyez synthétique) (4 points)

2)  Illustrez par deux schémas (avant/après) les fonctions économiques essentielles des Mahorais (utilisez, quand c'est possible, les notions de «consommation marchande», «emploi», «biens libres», «besoins primaires», «salaire», «besoins secondaires», «autoconsommation», «monnaie», «travail»… (2 points)

3)  Les Mahorais sont-ils des fainéants ? Expliquez. (2 points)

4)  Montrez que le logement agit sur la socialisation primaire. (3 points)

5)  Montrez que la notion d'autonomie de l ‘enfant est culturelle. (3 points)

6)  Expliquez comment l'importation de biens de consommation occidentaux a pu modifier l'organisation familiale mahoraise (faites des hypothèses). (4 points)

7)  Caractérisez l ‘acculturation mahoraise. Justifiez votre choix. (se référer au point 5 du Topo Culture) (2 points)

 

 

 

 

marjorie.galy@wanadoo.fr